Les amoureux du livre

Un bonhomme patate, noir, moustachu « vit sur la page de gauche », une bonne femme patate, rose, à frisettes vit sur la page de droite. Ils saluent poliment le lecteur et présentent leur logis. Il en est très content et parle avec une grosse voix, sa réplique est donc en gros caractères gras. Elle est plus distinguée et s’exprime par de longs caractères fins. Chacun sur leur page est amoureux de l’autre. Le titre, Les amoureux du livre, prend un relief amusant. Il ne s’agit pas d’amoureux de la lecture mais bel et bien d’eux, amoureux dans le livre qui exposent un problème, le plus souvent inaperçu : entre eux deux, il y a « la reliure », « in-fran-chis-sa-ble », « in-sur-mon-ta-ble.»

A partir de ces principes, Frédéric Laurent construit une fantaisie à la fois raisonnable et délirante. Raisonnables, les personnages vivent une petite vie tranquille et joyeuse dans leurs jardins qu’ils entretiennent avec soin et qui se densifient de page en page, de façon décorative avec des petits détails sympathiques, des fleurs, des rivières, des cabanes de pêcheurs…
Délirante, les personnages présentent comme une réalité la fracture de la reliure et l’enjeu est de réparer la rupture…. La chute est amusante. Evidemment c’est le lecteur qui fait le lien. Lire c’est lier entre eux des lettres, des mots, des significations. Lire c’est créer des liens entre des ectoplasmes, les personnages, qui n’ont d’existence que par l’activité du lecteur qui saute de gauche à droite !
Joliment décoré, habilement mis en scène, une historiette amusante qui interpelle le lecteur et peut amener à réfléchir sur la lecture comme acte de création.