Les enfants les pires du monde

David Walliams s’en est donné à cœur joie dans ce beau livre cartonné, papier glacé, illustré couleur. Cet aspect soigné est mérité, tant le contenu se révèle un repoussoir réjouissant. L’auteur y compile tout ce qui fait rire les enfants et grincer les adultes : aspects crus du corps, défauts agaçants, mauvaises habitudes… Les pets, la morve, les cris et le chantage, l’hyperactivité, la paresse… sont donc au cœur des petites histoires.

Chacune (elles sont dix) présente un enfant au nom prédestiné : Gustave-la-bave, Clara-cracra, Pétula-flatula, Jay Rézon, Ignace-la-grimace, etc. Après une exposition de la situation suprêmement désagréable pour les autres, un événement s’enclenche, mettant en péril l’enfant dont il est question. La chute se veut toujours morale (le comportement est puni) mais pas moralisante puisque l’humour se cache au coin de chaque page.

Il s’agit d’abord des formidables illustrations de Tony Ross, qui dansent dans la page, dynamisent chaque anti-héros (sauf Sophie-sofa, collée à son canapé), rient au nez du lecteur: il faut voir la boule de morve géante rouler sur Dédé-doigts-dans-le-nez. Et puis, toutes les inusables et efficaces ficelles des lectures jeunesses sont utilisées : typographie qui change en taille et en forme, mots qui suivent les courbes des dessins, longues énumérations plaisantes ou pas, lecteur interpellé directement. L’ensemble fonctionne avec beaucoup de bonheur.

David Walliams a même prévu des remerciements personnalisés à ses éditeurs (avec bêtises dedans) et une conclusion prometteuse d’une suite… La seule réserve viendrait peut-être de la présence régulière du marchand de journaux Raj, rabat-joie conseillant de ne pas lire l’ouvrage, et qui vient justement couper l’élan de la joie du lecteur. Un livre cadeau qui ressemble à une catharsis féroce.