Les Follets

Quelle belle histoire que ce nouvel album de Camille Romanetto, dont l’univers graphique et imaginaire est plein de fraîcheur et de poésie ! Madenn est en vacances chez ses grands-parents qui vivent à l’orée d’un bois. L’enfant y passe des journées enchantées, à explorer et accumuler des trésors qu’elle y découvre. Justement, voilà qu’elle ramasse un tout petit bonnet de laine rouge… Mais son propriétaire, soucieux de sa belle apparence, n’entend pas le lui abandonner si facilement : c’est le début d’une aventure d’amitié charmante tout en rebondissements. 

Après Une sieste, où Madenn s’endormait pour suivre Phil son doudou animé, l’autrice-illustratrice nous entraîne encore vers un territoire à la fois familier et plein de surprises. Plutôt qu’un album, c’est un roman illustré, en quatorze chapitres, dont la lecture se savoure ainsi sur la durée, et que les enfants auront plaisir à se faire lire et à relire encore eux-mêmes, tant la multitude de détails dans le texte comme dans l’illustration est fascinante, à l’image d’un album de Claude Ponti. 

Car dans cette histoire-là, il y a les frises décorées dont Camille Romanetto orne les bords des pages qui enclosent le récit dans une merveilleuse guirlande de champignons, de fleurs, d’objets insolites ou familiers, à énumérer patiemment ; il y a les illustrations pleine page agrémentées d’une comptine, les rideaux des grands arbres qui s’ouvrent sur le texte, les doubles pages immersives et saturées de couleurs, les vignettes d’introduction ou de fin de chapitre, les variations de typographie qui animent le récit, toute une collection de motifs de la littérature enfantine dont se régaleront les connaisseur·euse·s et qui enchanteront les lecteur·rice·s débutant·e·s ! Les enfants découvriront avec délice ce nouvel univers si proche et si secret ; grâce à la formule magique qui permet d’aborder le monde caché de la forêt, ils et elles rêveront de rencontrer les Follets qui peut-être leur rappelleront les Moumines, car Camille Romanetto sait à merveille entrelacer les réalités de l’existence et les glissements vers les mondes imaginaires, comme celui des Magiciens de Blexbolex à qui elle adresse un petit clin d’œil en passant. 

Les grands-parents tendres et attentionnés, dans leur maison des bois digne d’un conte russe, côtoient sans le savoir (?) des êtres tout droit venus de ce monde des contes. Les Follets, petits êtres d’apparence enfantine, affectueux et confiants, emplis d’une sagesse ancestrale, Douchka Babam dans sa maison volante au pied de l’arc-en-ciel ou la Grelette, créatures mystérieuses qui parlent aux animaux et voyagent dans la forêt et au-delà, tous·tes vont devenir pour Madenn qui se sent parfois un peu seule, des ami·e·s de cœur, une famille choisie qu’elle partage avec tout le jeune lectorat : l’autrice joue avec les références, tisse des liens entre parents et enfants pour partager des expériences, des souvenirs de lectures, et prolonger ainsi la rêverie. Les comptines qu’elle imagine ponctuent le récit comme autant de formulettes d’Anne Sylvestre, fantasques et rythmées, et s’inscrivent dans la mémoire d’enfance, celle qui, lorsqu’elle a été heureuse, nous porte et nous réconforte si souvent. La palette de couleurs adoucies elle aussi évoque d’anciens recueils où les applications dorées signent le caractère précieux, la valeur de l’attachement. 

Camille Romanetto nous le confirme, elle détient le pouvoir d’enchanter le monde avec ses histoires pleines d’une douce fantaisie : laissez-vous entraîner dans la forêt des Follets !