Les graines de grandes voyageuses

Six/sept ans, l’âge des premières questions scientifiques, c’est aussi l’âge où naissent les passions, et c’est bien à ces chers petits scientifiques en herbe que s’adresse ce livre simple et poétique sur les végétaux.

Anne Möller tente ici d’intéresser les enfants à un objet un peu énigmatique, la graine. Cette dernière est alors figurée à travers ses stratégies de déplacement. Le vocabulaire emprunte à la sphère du voyage : mesdames se déplacent en parachute et même en hélicoptère, elles prennent des taxis, empruntent des frondes ou des parapluies : autant d’images familières convoquées dans une volonté didactique.
Le livre fonctionne à la manière d’une petite encyclopédie thématique, mais les catégories utilisées par l’auteur ont la saveur et la tendresse des classifications primitives et font affectueusement penser au temps où les indiens navajos distinguaient encore les animaux selon qu’ils étaient voyageurs sur terre ou sur l’eau, voyageurs de jour ou de nuit. Ainsi les titres Emportées par le vent, passagères de taxis insolites, Rejetées dans les crottes,… évoquent un peu la manière si particulière qu’ont les enfants de relier ensemble les objets du monde, et c’est en ce sens que ce livre recèle une part de poésie.

Le propos est clair et adapté à la compréhension du jeune lecteur. Les quelques mots techniques rencontrés sont immédiatement explicités et illustrés par de petites images détourées : représentations naturalistes d’échantillons, de fleurs, de graines ou de fruits en coupe. L’ouvrage propose même une petite bibliographie thématique, une table des matières ainsi qu’un jeu de correspondances fruits/feuilles/arbres.

Les textes, concis, sont englobés dans un dessin coloré : images mi-réalistes, mi-poétiques mêlant aquarelle et collages dans une technique qui permet alors de retranscrire à la fois les détails les plus précis et les évocations les plus abstraites. Baies sauvages, écureuils et souriceaux prennent vie dans des compositions stylisées, véritables camaïeux évoquant les différentes saisons. Ainsi, le graphisme vient corroborer deux tendances dominantes de ce livre : la volonté plastique et artistique d’une part et la volonté ludique et pédagogique d’autre part.

Certains objecteront que la classification adoptée par l’auteur comporte le risque de brouiller la représentation encore confuse qu’un jeune enfant peut se faire du règne végétal, de ses classes et catégories, ou même que le dessin ne possède pas le réalisme que l’on est en droit d’attendre d’un ouvrage de botanique.

Qu’importe ! L’ensemble reste tout à fait intéressant, notamment parce qu’il introduit de l’affectivité et, pour cette raison, demeure un excellent ouvrage de sensibilisation.

Nathalie Crivellaro
Master 2 littérature de jeunesse Université du Maine