Les lumières de septembre

Parce que la mort de son mari l’a laissée sans ressources avec ses deux enfants, Simone Sauvelle quitte Paris pour s’établir comme secrétaire particulière à Cravenmoore, austère et fascinante demeure normande, à proximité du Mont Saint Michel. Lazarus Jann, le maître de maison, les accueille avec élégance et délicatesse. Irène, adolescente, fille de Simone apprend à connaître des lieux nouveaux, la grande maison étrangement « habitée » par des jouets mécaniques, œuvre de Lazarus, l’ingénieux inventeur. Elle découvre une nature nouvelle, la mer, la baie des Anglais, lieu des tempêtes, le phare. Elle apprécie la présence et l’efficacité d’Hannah, jeune servante qui devient son amie et Irène, très vite, apprécie encore plus la présence d’Ismaël, le jeune pêcheur, au grand dam de Dorian, son petit frère. Un jour, Hannah est découverte morte.

À partir de là, tout s’emballe. D’étrange, l’atmosphère bascule vers l’angoisse, la badinerie le cède au délire. On croise un enfant malheureux, le petit Jean Neville, le manuscrit d’une femme morte, une malédiction, un mariage magnifique, tous les éléments constitutifs du roman d’aventure gothique tel qu’on le connaît depuis le XIX° siècle, dans un désordre savamment organisé où les éléments s’emboîtent peu à peu.

Une vraie poésie des éléments, de la mer déchaînée, qui enfle et menace, une esthétique de la nuit ; une émotion née du mystère des brumes, du feu s’expriment dans l’écriture. La figure du labyrinthe, dans lequel on se perd sur terre comme en mer, crée l’angoisse qui monte dans la grotte au fur et à mesure de la marée et de la confusion entre vivant et mort. Figure de la mort et ange gardien métallique s’équilibrent à la limite de la folie parfois. Un foisonnement de péripéties baroque perd, roule le lecteur, l’emporte au-delà du vraisemblable. La construction très habile s’ouvre après-guerre sur une lettre d’Ismaël qui cherche Irène et se clôt sur la réponse de celle-ci. La narration entre les deux s’exprime sur un mode rétrospectif et la Seconde Guerre mondiale est vue comme une conséquence de la folie d’un des personnages. Avec une habileté diabolique, le récit retombe sur ses pieds et le mélange du réel et de l’inquiétant définit exactement le fantastique. Carlos Ruiz Zafon, dès ses premiers romans fait œuvre d’orfèvre.