Matin Minet. Grandeur nature

Comme son nom l’indique Matin Minet est un lève-tôt. Il vit dans une maison escabelle, dans la nature en compagnie de son ami, le charançon Hadek. Tous deux, peut-être déjà connus des lecteurs, sont partis précédemment à la recherche du point du jour, ont accompagné Smimna la moufle solitaire, ramassé des cailloux… Dans cet épisode, la discussion qui s’installe amène Matin Minet et Hadek à mesurer la taille respective du chêne et du lac qu’ils ont vu la veille : immenses ou pas si grands que cela ?

Tout est surprenant dans cette situation comme le mètre pliant et le mètre ruban que sort Hadek et avec lesquels ils vont mesurer tout ce qui leur tombe sous la main, une lampe, un brin d’herbe, Étourdi l’étourneau, « 24 centimètres », paraît-il. Bob l’écureuil et Copeau le loriot sont intéressés par les mesures : un bâton, une ombre. Seul Cousin Chafouin le chat, renfrogné, ne semble pas à l’unisson. Il demande de mesurer l’ennui. 

Subrepticement, Anne Herbauts nous entraîne de la fantaisie à l’abstraction : il y a ce que l’on peut mesurer et le reste, l’ennui, l’amour ; il y a ce qui pousse et qui se mesure en continu. Pour dire tout cela elle convoque d’autres personnages, les minuscules Pas-du-Tout et Tout-à-Fait, ainsi que « ce qui est en germe », inestimable et précieux, «[d]es graines, faînes, pépins, noyaux » et ensemble, sans limite, ni mesure, ils vont attendre que « cela pousse » et cela mérite bien une danse.

L'autrice-illustratrice ne craint pas la complexité du vocabulaire, ni la singularité des histoires, elle tisse au fil des albums une conception douce de la vie « grandeur nature ». Quelles autres découvertes nous promettent Matin Minet et Hadek ? Attendons. À chaque chose son temps et sa mesure.