Mauvais Rêve

Simon est « sculpteur de rêves » : branché à une machine, il parvient à entraîner ses « co-rêveurs » dans des mondes qu’il crée à partir de ses connaissances de l’histoire du cinéma. La pratique de l’« l’induction onirique » lui rapporte beaucoup d’argent, même s’il regrette de ne pas toujours pouvoir laisser libre cours à son imagination. Peu à peu, le malaise s’accentue : son patron, Biscia, a décidé de se lancer en politique, et sa figure est programmée un peu partout dans les rêves.
L’idée d’un contrôle des rêves de la population à des fins de pouvoir n’est pas vraiment nouvelle en science-fiction, mais Christian Léourier sait lui donner une densité et une couleur toute particulières : celle du cinéma, lui-même produit de fiction. Le lecteur s’amusera alors à rechercher les références de « 3D » (comme le disent les personnages pour désigner ces technologies ancestrales que sont pour eux le petit ou le grand écran) utilisées par le jeune héros. Suivi par un narrateur externe, Simon a une évolution très progressive qui fonde la trame de l’intrigue. Naïf bien longtemps, il subit par la suite de véritables chocs (la trahison de la belle Claudia, la mort de Valentine…) qui lui ouvrent les yeux et le font passer dans l’autre camp. Un camp dont il n’est d’ailleurs même pas sûr et où il se retrouve tout seul, la fin de l’histoire restant complètement ouverte… Mauvais rêve rappelle irrésistiblement le film (on n’en sort plus !) Existenz de David Cronenberg, jeu futé entre la réalité et les illusions liées aux jeux vidéos, et dans lequel, tout comme ici, on peut vraiment mourir dans un monde virtuel. Christian Léourier, auteur entre autres d’une trilogie jeunesse sur la Révolution française, s’affirme encore ici comme un excellent inventeur d’histoires et un défenseur passionné de la liberté !