Notre petite vie cernée de rêves

Albert vit avec sa mère, qui rêve d’Hollywood et d’appareils électroménagers, et son père, courtier en assurances frustré, dans un petit lotissement de banlieue. Le jeune homme supporte de plus en plus mal le terne de son quotidien, jusqu’à sa rencontre avec une voisine excentrique, Orpha Woodfin. La vieille femme, ancienne comédienne célèbre, va raconter sa vie à Albert et lui proposer une vision positive de la vie.
Trois ans avant le film Harold et Maude, Barbara Wersba publiait en 1968 The Dreamwatcher, titre traduit ici élégamment par Notre petite vie cernée de rêves. Roman d’apprentissage original, il est à la fois ancré dans une époque (le début de la société de consommation, les habits typiques, les références aux hippies et celles au « passé » de Mme Woodfin…) et sans âge par le message qu’il porte. Mme Woodfin dispense en effet au narrateur Albert une leçon de confiance en soi, d’espoir, mais aussi de réalisme nuancé : s’il est bon d’avoir des rêves pour avancer, encore ne vaut-il mieux pas tomber dans les illusions. Au centre du roman, Albert est un adolescent sensible, solitaire, traversé d’idées de suicide et à la recherche de réponses sur le sens de la vie - d’où sa collecte de citations de grands auteurs. Ces fragments émaillent le texte et le guident, de Shakespeare à Rilke, en passant par l’inévitable Thoreau, adepte d’une communion avec la nature. On frôlerait parfois le lyrisme et l’emportement faciles de l’adolescence, mais des plongées au lycée ou avec la mère d’Albert nous raccrochent rapidement à la réalité. Rythmé insensiblement, l’histoire progresse vers son dénouement dramatique qui révélera chacun. Pas très loin d’un Attrape-Cœurs pour son thème et la finesse de ses sentiments, le roman de Barbara Wersba a remporté succès et traversé le temps de sa fantaisie formatrice.