Ravel et les sortilèges

Malgré son prénom très élégant, Eglantine-Marie-Cerise, n’est pas la petite fille modèle que souhaiteraient ses parents. Ses résultats médiocres ne méritent pas de félicitations et la lecture en particulier, la rebute. Pourtant dans sa classe, elle rêve de Gaspard ! Gaspard Ravel de son nom de famille, apparenté à Maurice Ravel, le compositeur. Cette situation de départ : une fillette attirée par un descendant du musicien sert de fil conducteur à ce docu-roman qui raconte la vie et la carrière du grand compositeur. Chaque chapitre, titré d’une œuvre de Ravel, tresse l’intrigue et l’œuvre, selon de plus ou moins subtiles correspondances. Ainsi, dans le chapitre l’enfant et les sortilèges, Eglantine-Marie-Cerise gagne de haute lutte le droit de rester seule pendant que ses parents passent la soirée chez des gens ennuyeux et, très vite, elle est intriguée, puis effrayée par son lapin Marcel qui casse tasse et théière… Eglantine Marie Cerise est victime du sortilège. L’heure espagnole l’entraine hors de chez elle dans un boléro endiablé. Ainsi mise à la rue, elle est la proie des maléfices de Gaspard de la nuit. « Cette musique t’a propulsée dans un autre dimension », dira son père.

Il y a beaucoup d’astuce dans ce mode d’écriture qui distille connaissances sur l’auteur du concerto pour la main gauche et aventure rocambolesque vécue par une enfant pas très sage ! Si on accepte la règle du jeu, cette interaction entre le « vrai » de la biographie et le faux de la fiction romanesque est tout à fait réjouissante ! La dimension historique est renforcée par un documentaire qui apporte des compléments intéressants sur le contexte historique, quelques aspects de l’esthétique musicale de l’époque, les jeux d’influence qui enrichissent vraiment le récit en remettant à leur place les éléments distillés dans la fiction. Une écriture très experte où la naïveté de la parole directe et sans détour d’Eglantine joue avec le raffinement musical, beaucoup de brio !