Rockin'Johnny

Dans le Tennessee de 1954, Johnny et Edwyn sont amis, sans pouvoir le montrer. Johnny est très surveillé par sa famille blanche bien-pensante, tandis qu'Edwyn jouit d'une liberté dont il cherche à faire profiter son compagnon de bêtises. Et justement, dans une grange abandonnée, il a découvert un groupe de musiciens au style nouveau, ravageur, bien loin des cours de piano de Johnny et dépassant déjà le blues du père d'Edwyn. Buzz, Chuck, Peter et Roddy, assistés de Sally, sa petite sœur, font du rock'n roll. Ils ont économisé dur afin d'enregistrer un disque à Memphis, et proposent aux deux garçons d'y aller avec eux. Johnny brave l'autorité parentale et les voilà « on the road ». Mais un souci pécuniaire les attend chez l'éditeur, souci heureusement par le K... par vous verrez qui !

Les belles illustrations aux couleurs tranchées font revivre l'esthétique fifties avec ferveur, dégageant une confiance en l'avenir, un appétit de jeunesse palpable aussi bien à la campagne qu'à Memphis. Des effets typographiques, des tickets de concert indiquant telle ou telle chanson, achèvent un ouvrage soigné et pétillant, à la fois fidèle à un modèle et très singulier (voir les techniques de dessin).
Ne résistons pas plus, écoutons le généreux enregistrement de presque une heure. Une voix très légèrement gouailleuse (parfaite) s'élève, entamant le récit de cette aventure à valeur de souvenir hors normes pour Edwyn et Johnny. Derrière, le silence. Et puis, lentement, le son d'une musique entraînante monte en puissance : c'est le morceau de rock indiqué par les fameux billets des illustrations. S'il s'agit d'extraits, ils sont nombreux (un par scène) et quelques-uns sont repris in extenso à la fin. Ça swingue, ça groove, ça « hurle », ça donne envie de taper du pied et de bouger les fesses.

Au final, entre une histoire symbolique de son époque en pleine mutation et une bande-son stimulante (on y écoute aussi bien Ray Charles que Howlin' Wolf), Rockin' Johnny est une introduction par l'exemple, tout sauf pédagogique, aux débuts du rock. J'aurais juste aimé un mot supplémentaire sur le blues, voire la country, évoqués en postface par le passionné Eric Senabre.