Sur la pointe des pieds

À la sortie de l’école, sur le chemin de la maison, une petite fille va faire l’expérience de l’horreur et de l’indicible : une agitation inhabituelle, des sirènes de pompiers hurlantes, des flammes qui dévorent tout sur leur passage arrachant cette petite fille à son enfance, l’abandonnant à son nouvel état d’orpheline. Une douleur violente et destructrice s’insinue au creux de cette petite fille tandis qu’elle s’enferme dans un silence lourd de sens pour se protéger d’une réalité qu’elle devine si bien, mais qu’elle refuse d’admettre : Papa, Maman, Pierrot, Elise sont morts.
Choc des mots, choc des images dans ce récit bouleversant et intense où Natali Fortier plonge le lecteur au cœur de la tourmente, lui faisant toucher au plus près à la mort et aux sentiments qui naissent à la disparition des êtres chers.
Rares sont les albums pour enfants qui approchent de si près la mort, avec ce réalisme fort qui caractérise ici le travail de Natali Fortier. Elle annonce, décrit et représente la mort sans faux-semblant : c’est dit et montré. Elle pousse sa petite héroïne dans ses plus profonds retranchements, l’emmène au paroxysme de la peine, de la négation et de la souffrance pour un long travail d’acceptation de la disparition de ses parents. Eprouver la violence des sentiments pour mieux revenir à la vie avec ce jeu de mots final : « Samedi, samedi de vivre. »
Une lecture émouvante qui nous prend de plein fouet, nous happe et nous entraîne dans une réflexion sur la mort initiée non seulement par le récit mais également par les illustrations torturées, sauvages et intenses. À réserver à des lecteurs mûrs, prêts à affronter la dureté de la mort et capables d’aborder la notion de deuil.