Suzie la rebelle, l'espion russe

Après Les années de guerre et Le mystère Marie Curie, Sophie Marvaud poursuit l’exploration d’une période charnière de notre histoire, celle de la fin de la première guerre mondiale, en compagnie d’un personnage féminin emblématique de la condition des femmes à l’époque et de leur désir de reconnaissance et d’émancipation.
Suzie est une jeune fille moderne. Elle s’est coupé les cheveux, a ôté son corset, fait de la bicyclette dans les rues de Paris et elle travaille comme formatrice aux manipulations de radiologie dans l’institut que dirige la grande physicienne Marie Curie. Elle vit avec sa mère, qui gère la pharmacie familiale durant l’absence de son père, retenu au front, et sa petite sœur. Elle veut gagner sa vie et son indépendance, poursuivre ses études. L’homme qu’elle aime, Armand, rendu aveugle à la guerre à cause du gaz moutarde, la comprend et la soutient. Nous sommes à la fin de l’année 1918 et peu à peu, ceux qui ne sont pas morts dans les tranchées rentrent dans leurs foyers. Paris reprend vie, difficilement. De nombreux Russes s’y sont réfugiés, fuyant la révolution bolchévique sur laquelle circulent bien des fantasmes. Armand, secondé par Jacquot, un adolescent très débrouillard et gouailleur, se lance dans le journalisme, s’intéressant particulièrement aux réfugiés russes. Suzie l’aide et lui fait rencontrer une nouvelle amie, Véra, étudiante chez madame Curie. Mais elle comprend bientôt que quelqu’un l’espionne, la suit, pénètre la nuit dans l’institut où se trouvent des machines expérimentales. La jeune fille enquête tout en pensant à son mariage avec Armand, tout proche.
Ce roman est agréable à lire et très intéressant, car fort bien documenté. Sophie Marvaud fait vivre cette époque avec beaucoup de brio et de précisions et elle montre combien le retour à la vie « normale » n’est guère facile, pour les femmes comme pour les hommes. Elles ont travaillé pendant la guerre, ont fait marcher les usines, ont pris la place des hommes. Elles se sentent capables, réclament le droit de vote. Ils supportent mal ce changement, voudraient qu’elles retournent à leurs foyers. Tout cela est rendu de manière très vivante, sans lourdeurs.
Un roman qui prolonge parfaitement une leçon sur la Première guerre mondiale et qui fait bien comprendre tout ce qui se joue dans la nouvelle société à construire.