Terre-Dragon (T. 2). Le chant du fleuve

Aegir, le Dakan (homme-ours) trop sensible, Doom le scalde (c'est-à dire poète et conteur), Sheylis l'apprentie-sorcière et son maître le vieux Gaan continuent de cheminer sur le fleuve métallique, à bord de leur barque de pierre. Ils se rendent à Kesh-la-Grande, où Gaan espère trouver de l'aide afin qu'Aegir apprenne à maîtriser ses pouvoirs. Ils ne sont pas les seuls à voyager : le prêtre de la secte du Crâne qui avait capturé Sheylis, ainsi que l'ancien maître d'Aegir à sa poursuite, pourraient bien croiser leur chemin prochainement. D'autant qu'une explosion formidable a fait s'éteindre provisoirement toute la magie contenue dans l'air... Gaan ne peut plus protéger ses jeunes amis.

Petits chapitres courts et nerveux, écriture simple d'une qualité irréprochable, passages purement dédiés à la mise en place d'un univers sans se soucier du reste : Erik L'Homme, plus qu'un auteur, est un artiste des mots. A l'exception des extraits du « Voyage de Rosk-le-Borgne », nous restons dans la prose, mais une véritable poésie, parfois empreinte d'une certaine fureur, se dégage du livre. La façon dont les personnages aux motivations diverses se croisent et se recroisent, l'apparition récurrente mais jamais insistante du serpent, le détachement de Gaan le sorcier et son rapport au destin, etc, sont en eux-mêmes porteurs d'un souffle narratif qui ne cherche pas les effets : il est là, tout simplement.
Tout se passe comme si l'auteur avait d'abord voulu créer un monde (l'appendice final, pas forcément utile à la compréhension du récit, tendrait à le confirmer), et y avait ensuite placé des personnages, auxquels il donne vie avec bienveillance et humour, mais qui finalement ne viendraient que s'insérer dans une réflexion plus vaste. Cette impression générale donne évidemment toute sa beauté à l'ensemble, maîtrisé et envoûtant, et qui se moque de toute surenchère. Un fleuve métallique et un homme-ours, quelques jetons de magie et une secte toute-puissante suffisent largement à déclencher le subtil de notre imaginaire. Une série de fantasy douce dont il serait inconséquent de se priver...