Ton absence

Avec sa bande d’amis, Léopold, tout juste âgé de 17 ans, s’apprête à participer à un stage de formation pour valider son BAFA. C’est à l’occasion de ce stage d’approfondissement dans le Cantal qu’il fait la connaissance du solitaire et énigmatique Matthieu. L’aura envoûtante, l’intensité du regard et l’allure féline de l’adolescent attirent irrémédiablement Léopold et font chavirer toutes ses croyances et convictions en matière d’amour. Les talents de conteur de Matthieu ne viendront que confirmer l’attirance que ressent le garçon. Seulement voilà, Léopold appartient à un groupe. Et ce groupe de 7, c’est « à la vie à la mort », comme il le souligne. Entre rester loyal et conforme à ce groupe de 7 adolescents goguenards et prêts à braver tous les interdits lorsqu’ils sont en meute, et laisser croître ce désir passionnel physique et psychique pour ce jeune homme qu’il connaît à peine mais qu’il aime déjà, le cœur de Léopold n’aura de cesse d’osciller. L’adolescent parviendra-t-il à choisir son camp et à faire preuve de maturité et de confiance en soi pour assumer cet amour naissant ?

Pour le savoir, laissez-vous donc embarquer par cette narration à la première personne, si cadencée qu’il vous semblera avoir été en apnée de la première à la dernière page. C’est en effet une plongée dans l’intimité adolescente la plus vraisemblable, la plus profonde, la plus universelle à laquelle nous invite l’auteur de ce roman. Léopold, c’est cet adolescent que nous avons tous été, qui découvre la force et les tourments des prémisses amoureux, ainsi que la difficulté à être pleinement soi dans un groupe d’amis, quand on se découvre soudain différent. Comment dès lors résister aux diktats que le groupe véhicule et impose et vivre pleinement son premier amour ?

Cet amour homosexuel pour Matthieu met Léopold face à ses contradictions, en l’exhortant à une introspection si profonde que le jeune homme n’en ressortira pas indemne. Le va-et-vient entre une langue parfois crue, des dialogues percutants et un lyrisme poétique, lié à l’utilisation de vers libres et à une typographie débridée et très réfléchie, émeut nécessairement le lecteur et l’embarque dans l’enchainement inexorable et impérieux des événements qui provoqueront l’absence soudaine de Matthieu. L’amour est ambivalent, Léopold l’apprendra cette fois à ses dépens… Désir et auto-censure, douceur et cruauté, velléités et désespoir : personnages et lecteurs de ce roman montent, dès la première page, dans les montagnes russes de la vie amoureuse.

Si le roman Tracer, paru en 2020, également dans la collection « doado » du Rouergue, nous invitait à suivre le voyage géographique de Emjie, c’est cette fois un voyage intérieur que choisit de narrer son auteur, Guillaume Nail. Et ce passage du géographique à l’intimiste accompagne une mue d’écrivain à l’œuvre dans Ton absence. Guillaume Nail, que nous suivons depuis son premier roman Qui veut la peau de Barack et Angela (Le Rouergue, 2016), a en effet pris des risques et a osé : osé se précipiter non plus dans l’action, mais dans les méandres des amours adolescentes, par définition versatiles et passionnelles, afin d’en exposer leur universalité. Il a osé également s’essayer aux vers libres, exposant ainsi la sensibilité, la délicatesse et la poésie de son écriture. Ce roman se révèle donc plein de promesses. À quand un roman entièrement en vers libres où les dialogues entre personnages feront place à un monologue encore plus intime par lequel Guillaume Nail continuera à mettre en exergue l’énergie créatrice et émancipatrice ainsi que l’élan vital des personnages adolescents ?