Trois filles en colère

Dans ce roman épistolaire qui se déroule de 1966 à 1968, trois jeunes femmes (Susanne, Magda et Cléomèna) habitant à Paris, Berlin et Athènes prennent la parole pour évoquer la guerre, la séparation, la condition féminine et les difficultés d'expression dans une Europe divisée par des systèmes politiques et économiques opposés et instables. Magda, jeune femme secrète et introvertie, retrouve sa famille, enfin réunie, à Berlin-Ouest après avoir vécu cinq ans chez sa cousine Susanne à Paris. Cette dernière, revendicatrice et extravertie, brise les conventions en sortant à la nuit tombée pour aller danser, envoyant valser les recommandations d'usage. Ces deux cousines entretiennent une correspondance enflammée et assidue, n'hésitant pas à bousculer l'ordre établi familial bourré de secrets et de non-dits. Cléomèna, jeune communiste, fuit la dictature des Colonels en Grèce et trouve refuge à Paris, dans une chambre de bonne appartenant à la famille de Susanne. Elle écrit à sa mère dont elle est sans nouvelles et à son frère, prisonnier politique sur une île grecque. Issues de cultures différentes, ces universitaires crient leur colère face à ces régimes politiques dictatoriaux, répressifs et sanguinaires. Elles revendiquent le droit d'être des femmes libres de s'instruire, d'aimer et de vivre selon leur propre modèle.

Née en 1968, d'un père grec et d'une mère allemande, Isabelle Pandazopoulos connaît bien son sujet et signe un roman dramatique et captivant, enrichissant ses correspondances de coupures de presse de l'époque qui retracent certains faits marquants : la liste des noms des personnes mortes pour avoir voulu franchir le mur de Berlin, des extraits du journal Le Monde sur la dictature grecque et les nombreuses manifestations estudiantines à Paris et Berlin... Un récit essentiel pour ne pas oublier d'où l'on vient et souligner l'importance de garder un équilibre dans ce monde en mutations et en proie à des extrêmes nourris par la haine de l'autre.