Une étrange petite chose noire

Comme dans le jeu où il faut inventer un autre objet et usage à partir d’une forme quelconque, Reza Dalvand pose au milieu d’une clairière « une étrange petite chose noire ».

Et cette étrange petite chose oblongue, un peu charbon, un peu figue, va prendre vie dans l’imagination de chacun des découvreurs. Le léopard imagine que c’est une de ses taches tombées. Le corbeau pense à la chute d’une étoile, le chat à une crotte, c’est moins poétique. Chacun envisage une histoire proche de sa vie : le renard et le cerf, qui craignent les chasseurs, pensent tout de suite que cela va mettre en branle une armée.

Car chaque épisode est fondé sur le même principe. Dans le théâtre de la forêt, apparaît un animal. Il tombe sur l’étrange petite chose noire, émet une hypothèse qui engendre une catastrophe qui met en péril sa vie et sa communauté. Seule solution, la fuite jusqu’à ce que le suivant entre à son tour. Nouvelle hypothèse, nouvelle catastrophe annoncée… Nous avons ici un « anti-conte » de randonnée puisque les épisodes ne se succèdent pas mais s’accumulent créant un comique de répétition et un effet de suspense.

Reza Dalvand met au service de cette histoire drôle une palette claire et chatoyante qui contribue à la gaîté des situations. En effet, il saisit les animaux dans leur émotion (étonnement de la découverte par le léopard, dédain du chat, etc.) et il donne une ampleur épique aux visions imaginaires. Lorsque le renard imagine que c’est le foulard noir de la princesse inconsolable, surgit immédiatement son palais somptueux. L’armée déferlante ou le dragon vengeur à la recherche de son œuf enflamment l’imagination et conduisent le jeune lecteur au-delà du réel… Et c’est sous le charme de ces évocations qu’il devra inventer son histoire et trouver une chute puisque l’auteur le met au défi ! Alors cette étrange petite chose noire c'est...