Une rivière

Une petite fille est assise à son bureau devant sa fenêtre, un mobile avec des poissons et un petit bateau pend devant ses yeux. Elle regarde la ville qui s'étend à ses pieds et la rivière qui ondule à travers elle.

« Parfois je m'imagine en train de voguer le long de cette rivière, emportée au loin dans un bateau couleur argent ».

C'est ainsi que commence un voyage imaginaire qui nous conduit de la ville à la mer. La banlieue fait la place aux autoroutes puis aux usines, les champs, les collines, les vallées mènent à la jungle puis à la mer. Les bancs de poissons entourent la frêle embarcation qui se fait chahuter par la tempête tant et si bien que la petite fille ne sait plus où elle est. Elle entend juste la pluie qui tombe et se retrouve assise à son bureau devant sa fenêtre, le soir est tombé.

Très peu de mots dirigent le lecteur vers les illustrations somptueuses aux couleurs très denses : les champs sont structurés avec des signes répétitifs comme faits avec des tampons en pomme de terre. La tempête est représentée par des éclaboussures de couleur diluée, les vagues sont de grands traits de peinture blanche. Tout au long des pages, le petit voilier, vogue calmement sur la rivière traversant des paysages fourmillant de détails : des chevaux dansent dans un champ, un crapaud attrape une libellule en déroulant sa langue, paresseux, crocodiles, perroquets, panthères et toucans peuplent ce décor de rêve.

Voyage à travers le monde mais aussi - et surtout ?- voyage dans notre imaginaire, « Une rivière » est l'album d'un artiste, pensé et réfléchi. Marc Martin pose le décor sur les pages de garde que le lecteur ne regarde généralement que d'un œil. Il donne la clé de son livre presque négligemment en montrant la chambre de la fillette. Si on la regarde attentivement, on remarque que tous les objets se retrouvent à un endroit ou à un autre le long de la rivière, les tableaux suspendus sur les murs évoquent les contrées lointaines que le bateau traverse, la plante verte démultipliée se retrouve dans la forêt vierge et même les motifs du tapis ou de la literie sont repris dans les champs.
Un album dense mais étonnamment calme et apaisant malgré ses couleurs relativement sombres.
À regarder en prenant son temps avec des enfants dès 3 ans.