Voisins zinzins et autres histoires de mon immeuble

Taavi vit seul avec sa maman, « son adorable maman » précise-t-il. Il sait qu’il a un papa, « tout le monde en a un », mais sans plus. Il est entouré d’amis charmants, tante Laïne qui aime les chiens, grand-mère l’amie des livres, et il imagine que même un couteau de poche, non agressif, peut être un ami. La conclusion de son préambule est que « tout le monde peut être notre ami. A part quelques imbéciles bien sûr, car il y en a aussi ».

A la lumière de cette sagesse souriante du petit Taavi, nous allons partir à la découverte des habitants de son immeuble. Aucun ne manque d’originalité. Taavi les présente par leur nom et leurs petites manies, un grain de folie douce. Madame Laura, la monomaniaque aux bulles de chewing-gum qui finit par s’envoler, ou Monsieur Allan et son chapeau, qui disparaît dans les arbres. Le petit garçon en tire une morale : ne pas faire de bulles avec son chewing-gum, ne pas grimper aux arbres parce qu’on n’est pas sûr de pouvoir en redescendre. Ces petites histoires ressemblent fort à certains contes de sagesse inventés pour l’édification des petits enfants.

D’autres nouvelles touchent de plus près Taavi et dessinent un portrait touchant du garçonnet. Taavi n’aime pas répondre au téléphone. Un jour, pendant que sa maman prend sa douche, un chien lui propose des os. Taavi décline poliment l’offre. Sa maman, de retour, regrette les os mais Taavi est content, il a échappé à une soupe aux pois ! Madame Lii regrette beaucoup que la maman de Taavi n’ait pas de soupirant. Elle propose Monsieur Peep, mais il ne convient pas à la maman… Taavi est bien content, il veut bien de Monsieur Peep comme ami. Il n’esquive pas les problèmes de sa maman et elle est toute grise, un matin gris…

D’autres, encore, dressent des portraits de gens que l’on pourrait reconnaître. Ainsi Madame Ella ne sort jamais, elle est cachée derrière sa fenêtre à épier tout le monde. Elle croasse désagréablement sur tous ses voisins. Une corneille qui passe par là lui apporte un ver de terre en marque d’amitié, comme à ses congénères… Le petit monde qui fourmille dans ce roman nous semble familier à bien des titres. Un décalage incongru, une moralité heureuse et le tour est joué. Il y a sous l’écriture et l’illustration de Piret Raud un réalisme poétique et un sens des situations comiques vues au travers du discours de Taavi qui rappellent certains courts-métrages de Charlot. Au parc, Uku qui se rêve en chien imite son animal fétiche. Il est muselé par un policier et sauvé par Mati, le poète. Uku, tout compte fait, préfère devenir poète. Oui dit Mati, « à condition qu’on ne les musèle pas ».

Au fil de ces vingt-huit nouvelles s’esquisse un petit monde gai et fragile, précieux comme la vie de tous les jours avec cette fantaisie fantastique du monde slave. Les pieds dans le réel et la tête dans l’imaginaire jusqu’au délire, Taavi nous invite à regarder le monde sous les couleurs de l’amitié. A découvrir sans attendre, des petits cailloux de bonne humeur.