Wake

Janie possède le don encombrant de pénétrer dans les rêves des dormeurs qu’elle croise. Cauchemars ou fantasmes, tous ces songes la dérangent au quotidien, qu’elle n’a déjà pas si heureux : absence de père, mère alcoolique, difficultés financières et moqueries à l’école. Seul Caleb, lui aussi un peu isolé, parvient à percer la carapace de Janie, qui lui confie à la fois son secret et son coeur. Mais, tandis que la jeune fille, enfin heureuse, multiplie les heures de travail à la maison de retraite pour pouvoir payer ses études à l’université, Caleb s’éloigne d’elle. Il semble soudainement riche, on le soupçonne de trafic de drogue…


Ce pourrait être un roman fantastique classique, Wake s’augmente toutefois de deux aspects qui le rendent particulier. Premièrement, la composante sociale est au moins aussi forte que celle surnaturelle. L’élément premier qui fait que Janie ne soit pas acceptée par les lycéens ne vient pas de sa différence physiologique, mais… de son incapacité à l’insouciance et de son manque d’argent pour sortir faire la fête. Certes, les rêves parfois horribles auxquels elle est confrontée ne la rendent pas joyeuse, mais ses rapports avec sa mère qu’elle soutient à bout de bras non plus. Deuxièmement, et seulement vers la fin du roman, une notion de série policière se met en place. On aura peut-être un peu de mal à croire que la police recrute sans sourciller cette jeune fille qui peut pénétrer dans la tête et les petits secrets de chacun, mais l’idée est prometteuse d’autres aventures : tout est possible puisque l’héroïne pourra agir au grand jour. On notera que le choix d’un narrateur externe et d’un temps du présent convient aux deux dimensions citées ci-dessus, avec une atmosphère un peu mélancolique d’un côté, et récit policier tendu de l’autre. Enfin, il existe une dernière piste plus sensible à cette histoire : Janie comprend peu à peu qu’elle peut intervenir à l’intérieur même du déroulement des cauchemars qu’elle découvre, et soulager leurs rêveurs... Un roman à comparer avec Visions de Kim Harrington (Seuil jeunesse).