L'île aux mensonges

Angleterre, 1860. Fille d'un pasteur et naturaliste renommé, Faith souffre de n'être qu'une fille cantonnée au domestique alors qu'elle aspire à la science. Alors que sa famille est confrontée au déshonneur – son père est accusé de tromperie sur des fossiles – et contrainte de s'exiler sur une petite île, Faith en profite pour approfondir discrètement ses connaissances sur un chantier archéologique en cours… Mais bientôt, son monde bascule et elle entreprend de défendre la réputation de sa famille.

Le climat maritime tourmenté fait écho à la rigidité de l'éducation de Faith, féministe en herbe et avant l'heure. L'héroïne et narratrice nous raconte parfois avec indignation sa frustration de voir son intelligence bafouée. Elle se croit seule dans sa situation, mais dans la deuxième partie du roman, sa mère dévoilera quelques secrets, et le roman y gagne en force psychologique.

La science balbutiante de la paléontologie se montre aussi sous toutes ses facettes : pratiquée avec un amateurisme éclairé, discutée dans des sociétés savantes, elle est aussi le fait de gens aisés et devient une mode. Autour de ces scientifiques autodidactes gravitent une micro-économie opportune faite d'ouvriers, de photographes… Darwin détonne encore et se heurte à la religion : la double casquette du père de Faith, pasteur et scientifique, l'envoie souvent dans des paradoxes.

Et puis, Frances Hardinge développe un ressort fantastique, oppressant, essentiel dans l'intrigue et très bien articulé avec le reste qui se veut historique, réaliste. Cette touche d'un rêve cru fait s'évader le roman de son huis clos îlien et villageois, où tout le monde s'observe, et le feutré des apparences ne résistera pas à la découverte surnaturelle de Faith. Magnifique et complet, une réussite littéraire accessible dès 13 ans.

A lire aussi (littérature générale) : Prodigieuses créatures de Tracy Chevalier (Quai Voltaire, 2013)