Qui est au bout du fil ?

Avec un titre pareil, on s’attend à une conversation téléphonique. Pas du tout, des fils pendent et à chacun d’eux s’accroche un objet, un gant, une roue, une chaine, une prise… De quoi s’agit-il ? Nous ne l’apprendrons qu’à la fin. Le texte est une succession de questions où on parle de Lili, d’un loup, d’un prince. Lili danse, vole, se met en colère, rougit de plaisir. Le chat perd sa queue, la poule ses plumes, le cochon est suspendu. Quelle histoire !

Chaque épisode se décompose en trois temps. D’abord des vignettes où les personnages dans leurs cadres suscitent un questionnement : « Qui a volé la couronne ? », « Qui rend le loup jaloux ? » « Qui fait chanter le prince ? ». Ensuite, une double page comme un arrêt sur image : « Qui a mis un tutu à la poule ? », « Qui la fait rougir de plaisir ? ». Une ombre inquiétante se profile en arrière-plan, comme derrière tous les personnages ainsi mis en lumière. Enfin, jour après jour, du lundi au samedi, un homme rentre « tard chez lui ». Il a l’air content, On le voit marcher dans le noir, dans la rue et progresser devant la boulangerie, la lingerie, la librairie, fermées ou éclairées.

Quel mystère ? « Qui tire les ficelles ? ». Le deus ex machina, manipulateur de toute cette histoire c’est Monsieur Kralik, tout souriant au milieu de son atelier de marionnettes ! Claire Franek rend un bel hommage au monde de la scène et à la magie des créateurs et de leurs créatures. Elle donne en quelque sorte les coulisses de l’histoire, l’envers du décor : l’ombre inquiétante est un homme modeste ; la progression résulte des questions que l’on se pose à chaque instant du récit même s’il nous emporte sans qu’on y pense. Une façon originale de poser la question de la fiction qui interpelle le lecteur, le met face à la fantaisie et la liberté de l’acte artistique et s’épanouit dans la joie.