Où es-tu ?

Chaque jour, pendant que Luc, le père, coupe des arbres dans la forêt, Jacques, le fils, attend à la cabane et prépare le repas du soir. Mais, alors que la nuit tombe, le père ne rentre pas. Jacques s'inquiète, se raisonne, décide d'avancer dans la forêt, et fatalement prend peur. Le hibou le frôle, il suppose un loup, et finit par riposter contre l'hostilité de la nuit à son égard en criant et gesticulant.

Pendant ce temps, le père, qui avait pris du temps à couper un chêne, est revenu chez lui par un raccourci, n'a pas trouvé son fils, et s'est enfoncé à nouveau parmi les arbres. Comme Jacques, Luc est très angoissé. Les deux finiront par se retrouver, et le fils s'effondrera dans les bras de son père. Cependant, Jacques a passé un cap : le lendemain, il accompagnera Luc avec sa hache.

Intemporelle, universelle, l'histoire est celle de l'Initiation avec un grand I. Elle est racontée avec ferveur, et le lecteur ne peut que partager l'intensité des émotions des deux personnages. Les illustrations y contribuent également beaucoup. Elles sont merveilleusement en adéquation avec leur sujet. Des couleurs froides, violets et bleus profonds, signifient la nuit, à rebours de la cabane, petit havre de paix aux tons dorés. La forêt se déploie dans tous les sens, troncs, feuilles, branches, et seuls quelques rares rayons de soleil viennent y créer d'autres lignes obliques, ou bien ce sont des bancs de brume.

Le hibou se vit en gros plan, directement dans notre visage, et les points de vue varient fréquemment, donnant une impression de perdition, de panique. Les effets brossés, mouchetés, les taches volontaires trahissent encore l'omnipotence de la nature : elle envahit l'image. Les personnages y sont finalement petits, des silhouettes souvent, avec des yeux ronds et vides – malgré leur incarnation forte dans le texte. L'album aurait pu rester académique, il atteint à l'impeccable.