Servais des Collines : un aventurier de la Renaissance

Servais vit au premier tiers du XVIème siècle, à Lyon. Son père imprimeur lui ouvre les portes des grandes découvertes et des voyages, à travers les livres qu’il compose. Occupé en esprit à naviguer sur des flots tumultueux et à rencontrer des indigènes coiffés de plumes, Servais fait à peine attention aux dissensions qui agitent le royaume : les idées de Luther se diffusent rapidement, le roi est écartelé entre catholiques inquiets et protestants enthousiastes. Sans forcément s’impliquer théologiquement (donc politiquement), les imprimeurs et les libraires font circuler clandestinement des opuscules explosifs et la Bible en langue française…

Dans ce contexte, Servais est envoyé étudier à Paris par son père, qui rêve d’en faire un nouvel Erasme. Le jeune homme aurait préféré continuer son voyage jusqu’à la mer… Il se retrouve dans une petite chambre sous les toits, se nourrissant d’aliments chapardés, écoutant vaguement des leçons toutes faites. Ses rencontres avec Quentin, protestant affirmé, puis avec la belle Jeanne vont changer le cours de son existence, de même que les cours de mathématiques suivis au nouveau collège mis en place par François Ier.

Dense, le roman se centre sur le personnage de Servais, lequel met un certain temps à prendre la mesure de la révolution qui agite son pays. Nous suivons donc d’abord ce rêveur invétéré, un peu inconscient peut-être, tant il est tourné sur lui-même et ses désirs : un beau portrait d’adolescent qui va s’ouvrir lentement, trouver et oser affirmer sa voie.

Ce n’est qu’ensuite, plus profondément dans le texte et à travers Servais d’ailleurs, que l’ouvrage prend une ampleur historique. Il nous plonge au cœur d’un Paris et d’un « pays latin » qui paraîtront exotiques. La pauvreté la plus crasse côtoie les pourpoints de velours, l’apprentissage se fait à tête bien pleine plutôt que bien faite, les exécutions attirent la populace, les livres se multiplient… Ceci dit, les étudiants – la jeunesse – manifestent déjà pour qu’on les entende, et le choix se fait souvent à la nouveauté : le protestantisme fait souffler un vent de liberté.

Avec sa passion des voyages, Servais nous offre également une incursion dans le monde de la cartographie, et avec son amour des mots, sa sœur Margot évolue au milieu des poètes et des écrivains (Clément Marot en tête). Ce faisant, c’est tout le XVIème siècle de bruit et de fureur qui tournoie sous nos yeux : les guerres de religion ne font que commencer…