Mur murs

Une petite fille tourne le dos à une vaste maison logée dans une clairière. La maison, la clairière sont dessinées finement. On pourrait compter les briques et presque les brins d’herbe. La fillette porte une robe jaune clair aux fines rayures découpées en carreaux. Tout cela est minutieux, et on le pressent faussement lisse comme les sages cheveux de l’enfant. Lorsqu’on entre dans le livre, on reconnaît la fillette sur les épaules de son père, avec sa mère devant le panneau « maison à vendre ». La porte s’ouvre et la propriétaire les accueille. Pendant que ses parents visitent les pièces, la fillette est happée par les décors des pièces qui lui font signe… Sans un mot, les grandes fleurs de la tapisserie entrent en dialogue avec elle. Elle se sent poursuivie par les figures grimaçantes du couloir et se repose au milieu des saynètes bucoliques des toiles de Jouy. Elle est tout à tour enjouée ou anxieuse selon les rencontres qu’elle fait et les histoires qu’elle imagine.

Dans ce récit sans paroles, le voyage intérieur est si fort qu’elle se fond dans le décor et seule sa tête émerge lorsque son père la cherche. La visite se termine, reviendra-t-elle ? Elle garde dans sa poche un témoignage de son voyage qui semble lui ouvrir une nouvelle route au-delà du mur, des murs….

On pense aux atmosphères de Chris van Allsburg ou d’Anthony Browne et au contraste qu’ils travaillent entre des figurations sociales figées et des voyages imaginaires dynamiques, fondement même du fantastique. Cette expérience forte de l’imagination, faire parler le décor, est traité avec beaucoup d’élégance et le personnage que nous accompagnons est touchant. On se laisse prendre à la poésie et à la fantaisie de cette aventure minuscule, familière à bien des lecteurs rêveurs.