Diable d'où viennent-ils ?

Marion Hanania et l’auteur proposent une mise en images du poème Diable d’où viennent-ils ? de David Ivar. Héritiers de l’homme du Cri d’Edward Munch, des représentations mortuaires d’Amérique du Sud et des tags antinucléaires, les personnages qui surgissent ont des allures d’hommes-grenouilles et sont saisissants. Dans un univers intégralement gris, habité d’ombres et de lumières, seuls les visages simiesques sont colorés, les yeux morts, les crânes décorés. Les univers où évoluent les personnages sont l’eau et la montagne. Tous les états de l’eau sont évoqués : rivière, mare, gorge, source, cascade ; courante, stagnante ou gelée. Le minéral est aussi bien volcan que canyon ou pic acéré. Se mélangent ainsi le chaud, le froid, le mouvement et le figé sans ordre apparent. Dans ce chaos, les visages surnagent, un, deux, plusieurs, en gros plan ou non, « cinq fois cinq cent mille avec leurs crânes multicolores ». Tous ces visages interrogatifs illustrent la scansion du texte qui n’est qu’une longue interrogation : « D’où viennent-ils ? » Le rythme du texte et des images fait naître un sentiment d’étrangeté, d’inquiétude, de malaise, soulagés par le visage final apaisé qui apporte un semblant de réponse.

Un album singulier, où se conjuguent la BD par l’esprit, le traitement graphique et la poésie des sentiments noirs, proches de l’angoisse, jusqu’à la touche finale.