L'envahisseur

L'envahisseur de Sylvain Victor nous raconte un peu plus d’une heure dans la vie de Stella. Une heure où pour elle tout bascule, elle passe du statut de fille unique à celui de sœur aînée. La dramaturgie est connue. Disparition des parents, angoisse de l’enfant, tentative de suppression du problème et résolution, transformation réussie et heureuse, forment les éléments constitutifs de cet événement. Le ton est résolument moderne, traité comme une histoire de science-fiction. A bord, dit-elle, d’une station spatiale, nous apprenons que Stella est seule avec sa baby sitter, M-A, Emma sans doute car Stella parle un langage de robots, à base de désintégration et de bouclier électromagnétique. Forte et faible, elle joue la domination et envisage de mettre H.S. la baby sitter mais elle éprouve la solitude de l’absence de papa et maman qui revient plusieurs fois dans son monologue. Stella se raconte des histoires et elle semble croire fermement aux aliens. Pourtant l’humour se glisse dans son récit et met le lecteur sur ses gardes. Qui est donc K-1 K-A, la poupée souffre-douleur ? Cela va cahin-caha, c’est l’état de son moral ou bien est-ce Caïn, le frère maudit ? Au moment de l’action décisive, notre héroïne a envie d’aller faire pipi, pas très glorieux ! L’auteur monte et démonte les stratégies de Stella pour tromper le temps de l’attente jusqu’au moment où elle saute dans les bras de maman et où tout s’éclaire. Les dernières images du petit terrestre-extra sont drôles et touchantes : Stella est retournée et le lecteur avec elle.

Construit comme un récit d’aventures, une énigme, les couleurs très acidulées des feutres fluo, orange, vert, bleu, rose, contribuent au sentiment d’étrangeté. On pense sur un ton très différent à la métamorphose de Tout change d’Anthony Browne. Sentiments mélangés comme ceux éprouvés par Stella, humour et ironie amusée à son égard signent un album original sur le thème de l’arrivée d’un frère (ou d’une sœur) et des changements impliqués.