Hourra !

Hourra ! C’est le cri de victoire que l’on pousse lorsqu’on a vaincu une difficulté qui nous semblait insurmontable ou lorsqu’on assiste à un exploit qui suscite notre admiration.
Dans cet album surprenant, on observe un petit personnage de dos. Il avance en tâtonnant d’un pas peu assuré, il s’affronte à des « trous ». Grottes ou cavernes, béances, à flanc de page, des creux sont évidés dans les robustes pages cartonnées, elles se découpent sur un fond gris beige qui évoque le flanc de coteau d’une montagne. Le personnage, légèrement chaussé de bottines, peut-être avec des crampons, est coiffé d’un petit chapeau rond qui semble mal adapté à la situation. Son pantalon à carreaux et sa sacoche réveillent une image ancienne d’explorateur anglais ou une figure japonaise un peu décalée. Il enjambe des monticules, progresse de rocher en rocher bizarrement arrondis. Il tombe ou se glisse entre des blocs ce qui renforce l’idée de risque mais aussi le sentiment d’étrangeté. On perçoit une contradiction entre la rondeur des masses escaladées et l’idée qu’on se fait de la difficulté attachée à la rugosité, à l’aspérité des roches. La progression de notre héros offre une échappée vers la lumière d’un bleu tendre, ciel ignoré. Mais au moment où on croit comprendre que notre héros est arrivé au terme de sa course, les blocs rocheux se transforment en nuages et le petit bonhomme, heureux, « hourra ! », s’y engloutit, nous laissant sans voix.

Le labyrinthe, l’appel d’air tout cela peut s’interpréter comme une naissance mais l’engloutissement final est peut-être un pied de nez à des interprétations convenues. Tout en élégance et en nuances claires, cette narration très construite, bien que sans texte, se joue de nous et s’amuse à nous perdre. A chacun d’y trouver son chemin.