Brainless

Bien avant sa mort, on l’appelait Brainless. Alors imaginez, maintenant qu’il ne respire plus et qu’il a le sang froid… Jason, étouffé par du maïs, ressuscite, victime du SCJH, Syndrome de Coma Homéostatique Juvénile. C’est un zombie, quoi, comme quelques centaines d’autres jeunes aux Etats-Unis. Muni de quelques conseils et de seringues de formol (une par jour), Jason prend le chemin du lycée, où il passe plutôt inaperçu. Sa mère a bien fait de le forcer, car il rencontre Cathy, une nouvelle élève éprise de gothique mais surtout capable de voir plus loin que les apparences. Sa mère a eu tort de le forcer, car les deux angelots de sa classe préparent une certaine opération d’envergure…

Parce que nous suivons les personnages en parallèle au fil du texte, nous savons ce qui se trame : un massacre au lycée, et contre toute attente, Brainless ne sauvera pas son petit monde. En attendant, le lecteur retrouve avec plaisir et jubilation ce qui peut être son univers de lycéen : un proviseur « qui aurait pu devenir directeur de prison, procureur général ou formateur dans un camp de marines » (p. 25), des sportifs au top de la popularité, des jolies filles sans doute davantage « brainless » que Jason, des laissés pour compte qui vivent dans l’ombre… Evidemment, Jason est à côté de la plaque, naviguant dans ses pensées brouillardeuses.
Ça va mieux quand il a mangé (de la cervelle), et il prend alors la parole dans des interludes pour nous donner son avis sur la vie. Laconique, à l’instar d’ailleurs du narrateur externe qui assume le récit, Jason nous fait d’abord rire. Ce qui lui arrive est complètement absurde et sa façon de l’appréhender sans recul (voir par exemple le premier baiser avec Cathy) aussi. Mais la réalité la plus terrifiante rattrape cet exercice de parodie d’horreur. On hésite alors : l’homme n’a pas besoin de s’inventer des peurs telles que les zombies, il sait très bien les mettre en œuvre sans fantastique. Langue acérée et propos piquant qui pulvérise le roman pour adolescents : Jérôme Noirez inaugure en grande pompe (funèbre) la nouvelle collection Electrogène de Gulf Stream.

A lire aussi : Ma famille normale contre les zombies de Vincent Villeminot (Nathan, 2015)