Mon petit frère invisible

Ironique ou attendrie, une grande sœur déclare « j’ai un petit frère qui CROIT QU’IL est invisible ». Face à elle, deux jambes sortent d’un carton percé de deux trous. Le stratagème est en place. Elle nous raconte comment cette « disparition » s’est opérée. Un jour, il se fait gronder. « Disparais ! » lui dit-on. De dépit, il s’exécute et rentre dans la boite… La bouderie devient un jeu d’exploration, et les découvertes commencent. Bêtes sauvages, dragons, robots, dinosaures, poissons peuplent les univers parcourus jusqu’au retour à la réalité, décevante.

Jouer de la supériorité de l’âge pour accompagner un plus petit est une expérience très valorisante pour une grande sœur, démêler le réel et le fictif aussi, de même que le « sauver » de l’incompréhension des adultes. Elle a le beau rôle parce qu’elle connait l’origine du trouble, tout comme le lecteur.

Celui-ci a d’ailleurs chaussé des lunettes rouges qui masquent les couleurs. En effet les illustrations en quadrichromie (bleu, orange, noir et blanc) ne laissent apparaître que le noir et blanc avec les lunettes. Ainsi les dessins ont un double sens, dans la réalité on voit les jouets, le toboggan du parc et le défilé du carnaval. Avec les lunettes, on voit un éléphant dans le parc, un dragon dans la rue, on voyage dans la jungle, au fond de l’eau…

Le procédé trouve ici sa pleine justification narrative et la duplicité du récit y gagne en intérêt, en vraisemblance et en profondeur. Le carton pour l’enfant, les lunettes pour le lecteur ouvrent des perspectives insoupçonnées. Un album brillant et plein d’humour.