Vers le bleu

Ornella supporte de plus en plus difficilement sa vie : une mère volage et inconséquente, un baccalauréat raté, une caravane miteuse pour maison, une petite sœur Anoushka fofolle passionnée de miss camping. Même l'amour d'Emilien ne contrebalance pas le fiasco, et Ornella décide de partir. Oui, mais « la Mère » lui grille la politesse et la jeune fille doit rester s'occuper d'Anoushka, heureusement aidée par Anémone, mère d'Emilien et patronne d'un bar.

C'est le premier roman de Sabrina Bensalah, qui a choisi un sujet téméraire car remplie à ras bord de sentiments. Le lecteur pense au film Little Miss Sunshine, à cause de la mini-miss outsider, mais à rebours de la famille aimante. La situation des deux filles est dramatique, et elles sont seules. La solidarité vient donc d'ailleurs, d'une famille locale, d'un improbable duo d'alcooliques, voire de quelques jeunes par ailleurs décidés à défendre leur petit coin de verdure du tourisme de luxe.
Les intrigues s'emmêlent, presque hallucinantes (les deux tableaux de maternité peints par la Mère), retombant miraculeusement en équilibre et dans la réalité la plus crue. Qu'Anoushka rote ou qu'un cochon court dans le camping, l'écriture fuse avec le plus grand naturel et on s'attache irrémédiablement à la narratrice Ornella. Si bien que la fin n'étonne presque pas, ultime rebondissement farfelu et pourtant maîtrisé. Vers le bleu (vous comprendrez en lisant) signe la victoire du pot de terre contre le pot de fer, avec toujours cette pointe de mélancolie – blue... - propre à des héroïnes trop tôt grandies. Une auteure à suivre.