Les dialogues sauvages

En bordure de forêt où ils vivent, Lulu la tortue, Lino le moineau, Sari la souris sont attirés par un bien étrange équipage, un cirque vivant, bruyant pour les enfants et leurs parents. Lulu, Lino et Sari sont surtout intéressés par les animaux. Trouver de nouveaux amis, parler de voyage, voilà ce qui les motive. Or, en s’approchant du cirque, la chèvre est attachée, le chien muselé et un éléphanteau anonyme est en cage ! Un dialogue s’engage entre eux. Au fil de leur conversation, les amis amènent l’éléphanteau à prendre conscience de son enfermement, de sa soumission et de son acceptation de cette situation. L’éléphant défend son confort, son goût pour le travail, son salaire, « des cacahuètes ». Ses contradicteurs plaident les plaisirs de la nature, de l’autonomie, de l’amitié sans contrepartie… évidemment, peu à peu les digues cèdent et le petit éléphant se rend à leurs raisons. Depuis Momo l’éléphant vit heureux, et caché, dans la forêt !

Le dialogue vif et serré fait bien entendre la perplexité réciproque des interlocuteurs : chacun est fier et heureux de sa vie. Dès lors pourquoi et comment choisir ? La chaleur des trois amis est communicative et comme dans les musiciens de Brême, l’appel de la liberté est le plus fort. Cette belle histoire de Georges Printemps est délicatement mise en images par Julie Maurice. Couleurs douces, aquarellées, pochoir, motif répétitif de la grille au sein de la vive ambiance du cirque, tout concourt à engager en douceur les lecteurs dans la problématique.
L’originalité de cet album, fidèle à la ligne éditoriale de la maison Chant d’orties, est de réussir à rendre sensible pour des jeunes, les notions de servitude volontaire, de relation dominant-dominé, de contrat marchand. Réactualisation nécessaire et toujours vive de la fable du loup et du chien, cet album est une belle leçon de philosophie avec malice et sans didactisme, un appel d’air.