Bêtes de guerre

« Le caporal, en bon paysan alsacien qu'il était avant la guerre, s'étonnait toujours de ce que les oiseaux n'aient pas déserté cet enfer labouré, retourné, où plus aucun arbre ne subsistait. Chaque printemps, il avait retrouvé des nids improvisés dans des culasses d'obus, dans des enchevêtrements de fil de fer barbelé. Comme si certains animaux se refusaient à abandonner les hommes. » (p. 79, « une tranchée plus loin »).

Sept, elles sont sept espèces à être représentées dans ce recueil de nouvelles qui défrichent chronologiquement les conflits les plus connus, entrecoupées de minuscules anecdotes qui rajoutent d'autres bêtes. La plupart du temps, Alain Grousset va mettre en scène une relation forte entre l'homme et l'animal en temps de guerre, un respect et une amitié qui vont du cornac se sacrifiant pour et avec son éléphant au chameau increvable revenant gaiement vers son maître. La palme de l'honneur revient sans aucun doute à ce soldat napoléonien mort sur son destrier aplati sous lui : leurs deux sangs se mêlent...
La période contemporaine, et même un futur glaçant que l'auteur invente, sont un peu plus cruels pour l'homme, comme si une justice immanente apportait enfin la vengeance aux animaux, dauphin, chien ou insecte. Ecrit avec force sur des tons variés suivant les situations, impeccablement documenté sans alourdir le drame, l'ouvrage se situe dans la profonde actualité d'un monde réinterrogeant sa place sur terre.