Le silence des oiseaux

Marcel n'a qu'un tort : être né de parents qui n'ont pu l'accueillir, et avoir subi des familles d'accueil mal aimantes. Accusé à tort d'avoir volé un morceau de lard, il se retrouve dans la « colonie » de l'île de Belle-Île, un centre d'éducation surveillée censé le remettre dans le droit chemin et lui apprendre un métier. En réalité, Marcel, douze ans, est victime comme tant d'autres garçons d'une maltraitance inouïe, allant des vexations psychologiques aux abus sexuels.
L'époque n'est pas vraiment précisée, l'établissement de Belle-Île étant resté actif de 1880 à 1977. L'histoire de Marcel confine ainsi à l'absolu, rendant mémoire aux générations de gamins devenus hommes (la majorité à laquelle on les relâchait était de 21 ans) dans des conditions épouvantables. Dorothée Piatek use du « je » émouvant, mais aussi d'une certaine réserve, d'une pudeur bouleversante chez un si jeune garçon. Marcel plie, mais ne rompt pas.
Concise, découpée en chapitres abrupts, l'écriture se parsème de véritables poèmes élaborés avec un slameur/rappeur, ARM (des Psykick Lyrikah), qui les a ensuite mis en musique. Le résultat est particulièrement impressionnant, et l'initiative moderne surprend autant qu'elle se révèle pertinente.
Aucune particularité de la vie des enfants sur Belle-Île n'est éludée, et Marcel parle de la nourriture insuffisante, des gâteries des surveillants, de la chasse par les habitants de l'île à la moindre évasion, de la cellule d'isolement et du froid, de la faim, de la maladie...
Un superbe roman, soigné par ses auteurs, qui allie une forme innovante à une documentation complètement intégrée. A lire dès 12/13 ans.

« Je marchais sur la grève, lentement, observant l'horizon. Je suivais les oiseaux, leur silence lourd résonnant dans ma tête, puis je fermais les yeux. Dans ma poitrine, le poids de la tristesse semblait ralentir les mouvements de mon cœur. Personne, jamais, ne viendrait me chercher. » (p. 106)

A écouter :
https://psykicklyrikah.bandcamp.com/album/le-silence-des-oiseaux