Pousse piano ou la symphonie des nouveaux mondes

Petite tête rousse, interloqué, un garçonnet pousse timidement une porte. Au premier plan, découpant la page, immense, un piano et son tabouret chantournés. Entre duel et collaboration, va s’écrire « la symphonie des nouveaux mondes » entre l’enfant et le piano. D’abord disqualifié par sa trop petite taille, l’enfant est dépassé par l’instrument : trop haut, trop lourd, puis comme dans le ventre de la baleine, Jonas ou Pinocchio, il est littéralement avalé. Alors le voyage commence et l’illustration développe les nouveaux mondes par mer, par terre, dans les airs, à dos d’animaux étranges ou sur les ailes d’oiseaux imaginaires… Les paysages développés par l’illustration, les histoires entrevues dressent les animaux préhistoriques, Babel, les volcans, toute une fantasmagorie joyeuse jusqu’au moment où, furieux, apparaît « un professeur de piano ». C’est alors que l’histoire dérape. Le rendez-vous entre le professeur et le jeune élève est irrémédiablement raté, le professeur terrorise l’enfant qui se sauve comme le Cancre de Prévert. La chute laisse perplexe, le portrait du professeur, caricatural, ressemble plus à une vengeance ironique, qu’à une invitation au voyage ou à la musique… de quoi décourager quelques bonnes volontés. Un bel univers graphique, entre austérité du noir et couleurs chatoyantes, pour une histoire grinçante à lire avec humour.