Gustave dort

Grand dadais aux airs du Philémon de Fred, Gustave se repose dans sa petite chambre en compagnie de son animal domestique, une dodue poule verte (vert véronèse, vous comprendrez à la fin du livre). Sa mère l'appelle : il est l'heure d'aller à l'école. Peu enthousiaste, Gustave obtempère plus ou moins, tout en magnifiant le quotidien en de formidables aventures. Et le voilà parti avec Don Quichotte et le baron de Münchhausen, perdu dans des montagnes puis un labyrinthe, affrontant la hargne de la reine de carreau d' Alice. Et je ne vous parle même pas de la rencontre avec le Chat Botté... Rentré chez lui, Gustave n'a qu'une idée en tête : fixer ces songeries de sa plume, tandis que sa mère le réprimande !

Albert Lemant s'inspire, mais s'inspire seulement, des œuvres de Gustave Doré pour broder sa fantaisie autour d'un jeune garçon : il est bien connu que c'est dans l'enfance que l'imaginaire de toute une vie se met en place... Reprenant bien sûr la technique de la gravure sur de grandes double-pages à l'italienne, il réussit à la rendre drôle ou grimaçante, mais toujours moderne (voir aussi le clin d'oeil à Tomi Ungerer, je vous laisse chercher).
Il s'agit donc d'un hommage à Doré, qui avait lui-même honoré de son talent de multiples contes et mythes occidentaux. Mais l'ouvrage est aussi une appropriation que n'aurait sans doute pas renié l'artiste du XIXe siècle : il suffit d'observer l'expressivité truculente ou frappante de quelques-unes de ses œuvres, présentées en page de garde, et donc utilisées par Albert Lemant. Osons qualifier cet intelligent album de documentaire, tant il donne à comprendre l'acte de création en même temps qu'il la réalise, le tout sur l'air facétieux de la jeunesse.

Excellemment coproduit par Le Poisson Soluble, il sort à l'occasion de l'exposition «Gustave Doré(19832-1883) : l'imaginaire au pouvoir », au Musée d'Orsay du 18 février au 11 mai 2014

Lien vers l'exposition