Liberté Nounours

Troisième édition dans une troisième maison, après « le Sourire qui mord » et « Etre », on se réjouit de retrouver le nounours en liberté de Christian Bruel et Anne Bozellec. Sous une élégante couverture orange, ce nounours n’a pas pris une ride et le dialogue qui s’instaure entre lui et son propriétaire est de tous les temps. Un petit garçon aux yeux étranges, mi-ange, mi-démon manipule avec tendresse ou rudesse selon les cas, son nounours, son alter ego. Ce petit compagnon, avec ses yeux fixes et ses oreilles rondes, sans aucune expression, adopte toutes celles que lui prête le crayon de l’illustratrice. Il exprime l’étonnement, la perplexité, la peur ou la vaillance au fil des situations. En dehors de toute présence adulte visible (ou presque !) , ce livre dessine avec une extrême délicatesse la liberté sous haute surveillance de ce nounours qui nous ressemble. Le dialogue est serré entre le texte d’une grande simplicité syntaxique ( sujet/verbe/complément) et l’image sobre, forte, en noir blanc et gris. Lorsque le texte dit « sa maman habite très loin », de dos le nounours contemple un poster d’ourse sur la banquise et toute la tristesse de la séparation nous envahit. Lorsque nous lisons « il adore les histoires qui lui font peur », l’image le montre recroquevillé dans un coin. En voyant l’ombre portée du petit garçon sur le mur et on sait que le nounours adore peut-être … mais ce n’est pas sûr ! Témoin de ces scènes avec intérêt, de temps en temps, un petit jouet extra-terrestre multiplie les regards et explicite les doubles sens. Regards croisés, sentiments complexes comme les situations évoquées douloureuses ou plaisantes, les auteurs ont réussi une mise en scène parfaite du concept d’objet transitionnel. Un livre toujours aussi magique et toujours indispensable.