La fabrique

Un homme en salopette bleue, polo rayé et casquette enfourche son vélo. Avec sa sacoche à outils, il roule jusqu’à un lieu désert, une usine perdue loin de tout… A l’intérieur sont stockés en tas des angelots, des fleurs, des oiseaux, et autres dessins, gris, noir et blanc que l’on dirait sortis d’un ancien catalogue de mode. L’homme charge pêle-mêle des éléments dans sa brouette. Avec ce chargement, il alimente un mécanisme compliqué de tuyauteries emmêlées, qu’il inspecte, vérifie, visse. Il ajoute de la couleur, de l’eau et de sa haute fenêtre, observe les nuages, « les merveilleux nuages » à présent colorés, animés par les éléments stockés, moulinés par les tuyaux ! Cette histoire sans parole offre un voyage imaginaire au lecteur : mystère, poésie et douceur baignent cette aventure. Le personnage, avec sa haute taille, son hiératisme évoque J. Tati et J.M. Folon. Il travaille avec détermination, dans un univers très structuré pour un résultat inattendu. Ce sont ces décalages graphiques entre rigueur de l’usine au dessin très sec, comme un croquis, et ces images vieillottes d’angelots ou de paons, comme de très vieux papiers peints qui créent une atmosphère étrange. De la même façon, la raideur des tuyaux contraste avec la rondeur des nuages qui s’échappent pour un voyage dont le héros est le créateur exclu. Le format très raffiné de cette collection propose des histoires complexes à construire, c’est un pari audacieux et réussi.