2084 : scènes de marionnettes

Un présentateur nous propulse en 2084, y laissant sa peau au passage. Nous pénétrons dans un monde étrange de marionnettes manipulées, qui vivent à notre place, et qui sont vite sorties de scène par des robots machinos quand elles dépassent les bornes. Numéro 11 (clone de Vincent) est ainsi le souffre-douleur de Numéro 3 (Marie) et Numéro 5 (double de Vanessa). Ce dernier suit le mouvement, alors même que, dans la vraie vie, il pourrait aimer Numéro 11… Entre deux conversations absurdes, Mozart pleure après sa musique en compagnie de ses deux clones, les autochtones Têtedelard, Boutdechou et Lumgo s’entretuent, et Numéro 3 mute méchamment. Les extra-terrestres ont évidemment le dernier mot, en pirouette.
Philippe Dorin compose un univers déjanté, drôle d’un certain côté, effrayant de l’autre, dans l’objectif implicite de proposer un regard neuf sur notre monde actuel. En 2084, nous n’existons plus que dans une sorte de virtualité – ici symbolisée par les marionnettes – qui nous fait oublier tout notre passé culturel et nous rend imperméable aux émotions. Un certain HP (Haut-Parleur ? Une marque d’informatique ?) surveille les relations des uns et des autres, commente et influence nos comportements. Alternant les personnages, les courtes scènes s’enchaînent dans une certaine logique, reprenant des situations abandonnées précédemment, les faisant inexorablement évoluer vers davantage de cruauté… L’auteur pioche dans nos frayeurs communes (le chômage, les extrémismes, etc) pour mieux mettre en avant une société folle, créée par nos propres soins. Il faut entendre les Robots Machinos discuter CDI et Pôle Emploi ! Inventive, faussement délirante et toujours savoureuse, cette petite pièce de théâtre suppose une mise en scène plutôt élaborée : à voir dès que possible.