Recto verso

Recto verso, le roman d’Ingrid Thobois, s’inscrit dans la collection « photoroman » qui invite un auteur à écrire un texte en réaction à une série de photographies qui lui sont présentées. Cette série, composée ici, d’un jeu d’images qui suggèrent les présences humaines plus qu’elles ne les montrent, peuvent évoquer l’enfermement, la fuite, la solitude malgré une constante et vive respiration lumineuse.
Ingrid Thobois, voyageuse, nomade, observatrice attentive des mondes en mutation, s’intéresse particulièrement, semble-t-il, à ces moments précis de la vie où tout bascule. Elle adopte pour ce récit une écriture franche, moins métaphorique qu’en d’autres circonstances, teintée d’ironie revendicative propre à l’adolescence.
Comme toile de fond, le printemps arabe, qui voit se déliter l’univers du très jeune Tarik et va provoquer son exil en France.
Deux voix différenciées pour la narration qui pénètre au cœur de l’intimité de deux vies aux antipodes ; d’un côté, celle de celui qui se fait appeler Tarik, jeune clandestin tunisien et de l’autre, celle de Rose, jeune française délurée qui s’amuse de ses propres petits mensonges, s’inventant une vie pour lui donner un sens. Deux sensibilités qui cherchent leurs limites et leur langage, se jaugent et se confrontent dans un jeu de cache-cache très émotionnel. Alors que l’une essaie de s’affranchir d’un quotidien trop lisse, l’autre cherche à atteindre la tranquille linéarité qui effacerait les traces douloureuses de son passé.