Le roi Jules et les dragons

Trois copains, le roi Jules, reconnaissable à sa couronne, et ses adjoints, Théo et Balthazar, construisent un campement, se battent contre les démons et les dragons et vivent des aventures extrêmes avec bravoure jusqu’au moment où… Papa et Maman mettent fin au jeu. L’avenir immédiat bien prosaïque se résume alors au sommeil, avec l’épée en bois toutefois ! En effet, le roi Jules, l’aîné des trois, est un garçonnet et Gaspard le plus petit se promène avec une tétine ! Tout le charme de cet album tendrement anglais réside dans le décalage des jeux héroïques accomplis par les enfants, leurs discours de combat et la réalité modeste de leurs moyens : une cabane en couverture figure le château-fort, les assauts sont limités et la réalité se rappelle très vite aux enfants sous la forme d’un géant bienveillant, père ou mère cadrés sur leurs jambes ou le bout des bras, au niveau des enfants. Le récit est joliment rythmé : d’abord les phases de construction du royaume, ensuite la vie des intrépides chevaliers puis le reflux des héros qui rentrent chez eux. Seul Jules résiste, jusqu’à ce que la solitude et le noir joints, aient raison de sa détermination de roi. Toute l’exquise délicatesse du dessin d’Helen Oxenbury est à l’œuvre dans cet album qui rappelle les albums de John Burningham par son principe d’écart entre monde imaginaire et réalité. Les enfants d’Helen Oxenbury aux bouilles rondes et réjouies sont concentrés sur les jeux qu’ils vivent avec le sérieux de l’imaginaire. Les images du réel au crayonné sépia, alternent avec les pages doucement colorées des épreuves. Les dragons sont tout ce qu’il y a de plus terrible et les monstres pustuleux de plus monstrueux. Aucune mièvrerie, juste de l’émerveillement à voir que Gaspard trouve des monstres à sa taille, séduits par sa sucette, que les géants parentaux ne tiennent pas dans la page mais qu’ils savent se montrer à la hauteur pour laisser à l’enfant ce qu’il faut d’autonomie pour grandir, sans le laisser être dévoré par la peur. Sur une structure classique, un très grand livre sur l’apprentissage, le rôle fondateur du jeu, sans lourdeur, avec humour. Un livre bonheur.