Têtard ne veut plus être poli

Têtard est face aux grenouilles adultes ce que n’importe quel enfant est face à ses parents : sujet au sentiment d’injustice. Pourquoi dire bonjour, s’excuser, ne pas employer de gros mots, se servir sans choisir, attendre son tour… alors que peu d’adultes semblent en faire autant ? Ainsi Têtard raisonne avec persévérance, citant une à une les règles édictées par sa maman pour mieux les bousculer. « Il ne faut pas mettre les papiers par terre… » mais « la rue est déjà toute sale ! » . « Il faut dire bonjour… » mais « personne ne répond ! » . La maman de Têtard, pourtant fort occupée par les tâches quotidiennes, écoute avec patience et un peu de perplexité. Elle profite du retour des courses pour apporter son explication: elle tient à « vivre dans un monde où les gens se respectent ». C’est pour cela qu’elle lui rappelle souvent les règles de bonne conduite. La certitude et le sourire rassurant de sa maman finissent par convaincre Têtard que même si les règles de politesse se révèlent parfois injustes ou frustrantes, elles rendent la vie meilleure.
Le texte de Sylvie Jung ne raconte pas d’histoire et n’a donc pas de fin. Le monologue de l’enfant suivi de celui de la mère ne laisse en effet pas de place au narrateur. Il relève ainsi plus du traité de politesse tout en s’ouvrant sur du positif notamment sur l’idée du plaisir. Sans recours à une figure masculine, seule la relation mère/enfant illustre cette approche de la politesse,
En choisissant le personnage du têtard malicieux, l’illustratrice Charlotte Légaut offre au jeune lecteur le moyen de s’identifier. Ses attitudes enfantines et son visage très expressif nous accompagnent à chaque page. Les images illustrent toutes le propos du têtard, la plupart situe la discussion entre la mère et l’enfant lors d’activités domestiques. Le graphisme est simple, très vif et coloré mais manque d’esthétisme.
Le jeune lecteur sera certainement enchanté de trouver l’explication à la nécessité absolue de la politesse. Quant au lecteur adulte déjà convaincu, il sera peut-être irrité par la détermination avec laquelle Têtard raisonne et frôle l’insolence.