Un sari couleur de boue

Inde, 1918. Leela, 13 ans, s'apprêtait à rejoindre la famille de son mari. Au lieu de cela, son époux décède et la jeune fille doit, selon les rituels hindouistes, rester cloîtrée pendant un an, la tête rasée et vêtue de marron. Elle va trouver consolation dans l'étude, jusqu'à parvenir à aller à l'université.
L'auteur s'est inspiré de la vie de sa grand-tante pour créer le personnage à la fois enfantin et volontaire de Leela. Le veuvage intervient brutalement dans la vie de cette narratrice gâtée par une mère indulgente ; la construction d'un nouvel avenir lui prendra l'année pleine, avec des phrases d'aigreur, de désespoir, des élans vers la liberté longtemps réprimés, enfin suivis. Dans son malheur, Leela peut compter sur des alliés fidèles : sa mère aimante, la directrice d'école, et surtout son frère aux idées progressistes. Le récit personnel de « l'enfant-veuve », déjà passionnant, raisonne avec l'Inde en mutation de l'époque et les échos des actions non-violentes de Gandhi. Ce dernier comme l’héroïne luttent pour une indépendance, dans un cas contre des coutumes religieuses archaïques, dans l'autre contre une domination étrangère. L'écriture d'un élégant classicisme, touffue, met en scène les détails de la vie quotidienne et n'évite pas un certain nombre de termes indiens, expliqués dans le glossaire final. J'avoue m'être parfois perdue dans tous les liens de famille. Mais cela n'a aucune importance : l'épanouissement progressif de Leela, son cheminement vers une nouvelle voie emportent l'adhésion sans hésiter. Un roman fort qui a la justesse du vécu, ancré sans insistance à un moment-clé de l'Inde contemporaine.