Vive la dette !

Marc Bousseyrol est professeur d'économie pour des classes préparatoires, et à Sciences Po Paris : il sait donc se faire pédagogue, mais à un niveau soutenu. Pour lui, « rien de très compliqué » (p. 56) dans ce qu'il explique, et c'est en partie vrai car l'écriture est courte, simple, des exemples illustrent toujours le théorique, et le ton reste proche du lecteur (emploi notamment de fausses questions). L'auteur n'hésite pas à manier un peu d'ironie, à mettre en scène un monsieur tout-le-monde, nommé malicieusement Ségolas, contraction de Ségolène et Nicolas... C'est une lecture qui demande néanmoins une forte attention, si ce n'est des connaissances préalables. Nous partons de considérations historiques : Mirabeau, le premier, a parlé de l'importance de l'équilibre des dépenses publiques par rapport aux recettes, en arguant que des finances saines étaient garantes de l'ordre social. Depuis, cette idée - à la finalité toute politique alors qu'il s'agit en fait d'économie - a été reprise à droite comme à gauche, et en 2008, elle est inscrite dans la constitution française. Et même en temps de crise comme aujourd'hui, si l'Etat semble accepter un temps le déséquilibre de son budget, c'est pour mieux mettre en place ensuite une politique de rigueur... En accord avec son titre un brin provocateur, l'auteur s'efforce donc de démontrer que les logiques actuelles qui sous-tendent le rejet de la dette et la louange de l'épargne ne sont pas forcément prouvées. La dette se transmet ainsi davantage au sein d'une même génération que de parent à enfant, et l'épargne peut être la cause d'un phénomène immédiat de chômage ! Marc Bousseyrol propose donc de ne pas craindre l'inflation, ni l'emprunt de l'Etat auprès de sa Banque Centrale. Une position hétérodoxe, bien argumentée, qui dépasse d'éventuels clivages politiques : l'ouvrage est en ce sens très enrichissant. Mais, en-dehors des obligations scolaires, le jeune lecteur devra évidemment être motivé pour le lire spontanément. Un lecteur et contribuable adulte sera sans doute plus attentif à la question…