L’Expédition disparue

Londres, 1845. Gamin pauvre, Matt sauve la vie du jeune bourgeois Chris. Les deux garçons se lient, et lorsque Chris décide de partir avec l’expédition polaire de Sir John Franklin, Matt le suit et ils sont embauchés comme mousses. Il s’agit de découvrir un passage par le détroit de Béring entre l’Atlantique et le Pacifique. Bien commencée, disposant d’une autonomie d’au moins trois ans, l’entreprise de l’Erebus et du Terror va se transformer en tragédie…
Rigoureusement vraie sur le plan historique, cette expédition reste l’un des mystères de l’exploration des pôles : on n’a jamais retrouvé aucun survivant et seulement pu supposer ce qui s’était passé. Christa-Maria Zimmermann s’empare de ce sujet a priori attrayant et frissonnant (dans tous les sens du terme) pour en faire l’aventure de deux jeunes garçons attachants et complexes. Leurs passés respectifs, donnés par bribes ou sous-entendus, expliquent finement leur amitié, leurs craintes, leurs motivations. D’abord confiants, on les voit passer l’un après l’autre par des phases d’inquiétude, puis de délabrement physique et enfin de désespoir. Leur position d’enfants est rappelée par leur admiration naïve pour Franklin, et leur rattachement constant à un officier (les uns mourant après les autres…), jusqu’à la toute fin où, derniers survivants, ils commencent, séparément, une nouvelle vie grâce aux Inuits : le roman prend alors une valeur rétrospective d’apprentissage – un peu par l’horreur. Les descriptions, les précisions et autres termes maritimes ou techniques sont donnés juste ce qu’il faut pour ne pas ralentir la lecture, avec un petit dossier et un glossaire finaux pour aller plus loin. La construction du roman alterne passages narratifs bien dialogués, extraits du journal de bord de Chris, et introduit, avec finesse, des morceaux de récits d’expéditions passées, que Chris connaît par cœur… Une manière de comparaison intéressante, qui enrichit le thème, pas courant en littérature et pourtant captivant. Un bon gros roman d’aventures qui se lit d’une traite.
A noter : Dan Simmons, maître de la SF, a donné lui aussi en 2007 sa version – forcément plus terrifiante – de l’expédition de l’Erebus et du Terror. Traduction française prévue début 2008.