Drôles de suspects (Les Sœurs Grimm, détectives de contes de fées, livre II)

Daphné et Sabrina Grimm sont les descendantes des Frères Grimm, chargées des relations entre les humains et les Findétemps, ces figures de contes et légendes cantonnées dans la ville de Port-Ferries. Ce n’est pas pour cela qu’elles doivent manquer l’école, et leur grand-mère y veille. Daphné, la plus jeune, s’entend à merveille avec sa maîtresse Blanche-Neige, mais Sabrina a plus de mal, surtout quand son professeur se fait assassiner par une araignée géante. Aidée de Puck, l’elfe plus que malicieux, la famille Grimm…

Il est toujours amusant de voir Blanche-Neige conduire ou pratiquer le self-defense, et le fils du joueur de flûte de Hamelin faire obéir une meute de lapins… Mais dans ce deuxième tome, l’auteur joue moins sur les effets de références détournées (ou bien le lecteur habitué les ressent-il moins ?). Habile, Michael Buckley préfère développer quelques personnages centraux, le shérif Porcinet, le maire Prince Charmant, Puck… et évidemment Sabrina, au caractère bien trempé, point d’ancrage dans la réalité alors que Daphné et la grand-mère se laissent emporter par leur enthousiasme (« Daphné poussa un cri de joie, mais Sabrina sentit son ventre se serrer. Encore un animal qui parle, brrr… », p. 112).
L’intrigue policière est comme toujours complexe, et le narrateur externe fait heureusement des résumés réguliers de la situation. Grigrigredinmenufretin, ce personnage de légende inquiétant, est convoqué dans un dénouement assez sordide, puisqu’on découvre des Findétemps faibles, capables de vendre leurs enfants et de les laisser devenir meutriers. Et là se développe l’autre face du roman, la plus intéressante : après l’humour, après le jeu, le monde des contes est aussi sombre, reflet des angoisses et des fantasmes des hommes. Il n’est qu’à recenser le nombre d’allusions aux odeurs, à la saleté, à écouter le thème musical des Sœurs Grimm sur le site de la série (http://sistersgrimm.com/newsite/index.html) pour s’imprégner de cet esprit quelque peu effrayant, qui retentit profondément en chacun : l’auteur a découvert une manne et su l’exploiter avec brio - il en est au livre V. Et si la fin échevelée de ce second tome pouvait nous avoir fait oublier la recherche ultime de Sabrina, celle de ses parents disparus, un très angoissant petit Chaperon Rouge (bravo à l’illustrateur) se charge de nous le rappeler, en amorce d’un troisième ouvrage prometteur…