Un Ange gardien avec des lunettes noires

Leonora Chandamour, auteur sur le retour, veut écrire un roman qui parle d’anges. Pour se documenter, elle décide d’en créer un à partir d’une statue d’argile. Effectivement, un petit ange nommé Ariel apparaît et l’aide dans son travail. Vite, il pousse Leonora à partir au Brésil, toujours pour les besoins du livre. Dans un endroit nommé Fin-du-Monde, Ariel retrouve une femme… qui est apparemment sa mère et qui l’appelle Paulo.
Deux parties composent cet étrange roman : un narrateur externe suit d’abord Leonora, sa rencontre avec celui qu’elle considère comme son ange gardien, la façon dont elle l’apprivoise et leur périple brésilien. Les deux héros arrivés à Fin-du-Monde, ce premier narrateur cède la place à Ariel, qui va raconter à Leonora son histoire : son enlèvement au Brésil, sa vente à des malfrats français, son intrusion chez elle pour la voler et leurs aventures brésiliennes. Les deux histoires se recoupent donc, l’une fantastique, l’autre d’un réalisme cynique. Toutes les deux sont possibles et susceptibles de constituer un roman indépendant. Evidemment, elles ont beaucoup plus d’intérêt mises en parallèle, les deux tons se heurtant avec humour. Déformation d’écrivain, folie d’une veille dame ou volonté de ne pas reconnaître qu’elle s’est fait berner, Leonora trouvera le récit d’Ariel « cohérent[…] dans les moindres détails » (p. 298) mais un peu « confus » (p. 301) ! Elle se propose d’ailleurs de le remettre en forme et de le publier. Jusqu’au bout, elle le croira venu du ciel, et refusera obstinément de voir la mouette qui la suit depuis le début, et qui pourrait bien, elle, être son véritable ange gardien. Pris dans un jeu entre fiction et réalité, le lecteur reste émerveillé et souriant face à la ruse et l’imagination de Silvana Gandolfi, qui, de livre en livre, ne se démentent pas.