Alice en exil (Les Guerres du miroir, tome 1)

La jeune princesse Alyss est élevée dans l’idée de reprendre le gouvernement du Pays des Merveilles, nation harmonieuse et prospère. Mais sa tante Redd prend le pouvoir lors d’un coup d’Etat sanglant, et Alyss s’enfuit dans un autre monde, celui de l’Angleterre victorienne. Là, adoptée par un couple de bourgeois, Alice oublie ses origines. Elle finit par penser, comme Lewis Carroll qui écrit un conte à partir de sa vie, qu’elle a tout inventé. Le jour de son mariage, son ami d’enfance Dodge lui rend la mémoire et la ramène au Pays des Merveilles. A la tête des résistants, elle récupère le trône, tandis qu’en Angleterre, un double prend sa place.

Il fallait oser réécrire Alice au pays des merveilles, un classique entre tous… Pari plus ou moins réussi mais tenu jusque dans les détails. Quasiment tous les éléments du conte original sont repris - un peu longuement - en exposition, subtilement déformés vers plus de cruauté (le Chat du Cheshire devient un redoutable assassin, et Redd, nouvelle reine de cœur, coupe vraiment des têtes…). Puis, l’histoire gagne son autonomie propre, et devient alors un roman de fantasy comme un autre. De retour dans son pays natal, Alyss doit lutter pour retrouver ses pouvoirs perdus (elle peut rendre réelle son imagination, et sans dormir comme notre Alice…), affronter des épreuves pour prouver sa valeur, attaquer une ville entière et reconquérir son statut. Elle est accompagnée de son ami-amour d’enfance, aidée par un aéropage de guerriers et d’un sage vieillard. L’auteur a quelques belles trouvailles, comme celle des miroirs qui aident à se déplacer ou des chenilles à narguilés. Certains passages sont légèrement lourd, avec un intérêt dramatique obscur, et en contraste avec une fin rapide qui n’amène pas très bien le rebondissement vers un second tome (trois sont prévus, peut-être faudra-t-il voir la série dans son ensemble pour en comprendre le rythme). Placer l’origine du conte de Carroll dans ce qui serait finalement sa propre création à lui, Frank Beddor, est assez vertigineux et stupéfiant, peut-être pas assez exploité pour le plaisir du lecteur. Les scènes de l’Angleterre du XIXème siècle sont un peu sommaires, coupées par le récit situé au Pays des Merveilles, clairement le cœur du roman. Il ne reste pas moins d’Alice en exil un bel hommage par un auteur audacieux et qui surtout a compris l’histoire et l’esprit d’Alice au Pays des Merveilles, n’hésitant pas à en extraire l’inconscient et le tordre vers plus de violence.