Feux, mortelle rapsodie

Momo et Aimé, habitants depuis toujours d’une cité de banlieue, La Roncière, préparent leur participation à un spectacle au théâtre. Ils se font une joie de pouvoir enfin montrer leurs talents de rappeurs. Mais le jour venu, une bavure policière met brutalement fin à tout avenir…

Une histoire forte, des personnages attachants, et surtout une écriture originale : l’auteur réhabilite la banlieue (et stigmatise la police au passage). Momo et Aimé, ses deux narrateurs alternés de chapitre en chapitre, n’ont pas un quotidien facile : parents au chômage, famille nombreuse, placement dans un foyer… Ils disent avoir des difficultés pour lire et écrire, mais sont de formidables poètes sous la plume inventive et fine de Jocelyne Sauvard. Leur vision de leur environnement, de la vie en général est très lucide, donc pessimiste… : « Après ça, on peut admirer la ZI, la ZEP, la ZUP, la ZAC et la MPT. Je vous traduis : les entrepôts, le collège à risques, la cité sensible, les trois commerces, la Maison pour tous. » (p. 37). Vivant entre eux, sortant peu de leur cité, les jeunes se rassemblent à cette fameuse MPT, où, encadrés par des animateurs et en relais avec les professeurs, ils créent des spectacles. Une des metteuses en scène est Fidélie, impliquée, généreuse et tout à la fois en retrait, portrait curieusement proche de Jocelyne Sauvard….
Au fil du texte, les relations avec la police s’enveniment insidieusement ; Aimé le sage essaie de modérer Momo le malicieux qui veut réagir par la provocation dans ses chansons (« […] la vérité c’est comme la menthe, des fois, faut ajouter de l’eau. » (p. 103). Il n’en aura pas le temps, et , sur fond de banlieue incendiée, Aimé reste seul avec son chagrin à exorciser dans des poèmes. Roman engagé, sans excès d’écriture ou de sentiments, Feux mortelle rapsodie témoigne à la fois de notre temps et d’un auteur excellent.