La Reine des Spagnes

Réédition - A la fin des années 1950, le narrateur, un adolescent, habite avec sa famille dans un village nommé Les Spagnes. Il nous décrit la vie de la petite commune, partagée entre la traite des vaches, la messe, l’épicier… Une voisine, Augustine, est devenue folle depuis que son mari est reparti travailler dans les mines ; comme elle est riche et un peu snob, on la surnomme la reine des Spagnes. Alors que les voisins ne s’occupent plus d’elle, l’état d’Augustine s’aggrave et elle meurt (« On n’avait jamais pensé qu’Augustine était malheureuse. », p. 93).

Armel Job excelle à la description de la Belgique rurale du siècle dernier, tendre, un brin nostalgique, mais aussi truculente (« Donner à manger à une escouade de cochons est très dangereux. », p. 70). Le drame villageois mis en scène ici sert presque de prétexte ; le narrateur discret s’efface, simple regard par lequel nous sillonnons cette campagne rude où les plaisirs sont rares. Le jeune homme expose des faits, explique des coutumes locales, sans aucun jugement. C’est ainsi que le beau portrait du père dépasse une histoire personnelle pour composer la figure typique d’un paysan wallon, homme rendu taciturne et de devoir par la force des choses : « Mon père est un petit homme, mais il est large comme un haltérophile. Depuis qu’il a quatorze ans, il travaille. » (p. 68). Le lecteur est porté par les petites anecdotes pleines de vie qui s’enchaînent, grisé par une langue fluide de grande qualité. Le temps est comme suspendu, rythmé par des saisons qui se renouvellent immuablement. A la lueur de cet éclairage, l’histoire d’Augustine se suit de manière non pas lointaine, mais semblable à celle des habitants des Spagnes : « C’est ainsi la vie. Il n’y a pas de quoi en faire un drame. » (p. 93).