Piste noire

Dans le train de nuit Paris / Saint-Gervais, Manou s'est confortablement installée sur l'une des quatre couchettes. Elle part rejoindre Julie et Noé aux sports d'hiver, les deux enfants dont elle a la garde. Manou la réunionnaise partage son wagon avec trois adolescents de bonne famille, Michael, dit Mickey, Tom et Corentin, qui ont dans la tête leurs futures descentes en surf. En attendant, les trois compères descendent à la chaîne des canettes de bière, suivies de whisky-coca. Or, pendant ce temps, ils lorgnent les jolies formes de Manou. Quand Tom se met à vomir et affiche un visage d'un blanc inquiétant, Manou ne réfléchit pas et descend l'aider. Corentin et Mickey en profitent pour se saisir de la jeune fille. Mickey est le premier à la violer, Corentin le suivant. Puis ils se moquent de Tom, encore malade, qui refuse ce jeu-là. Mais les moqueries font mal, percutent là où il faut, et Tom n'a plus le courage de dire non. Tom regrette, et ordonne brutalement à Manou de s'enfuir. La jeune fille actionne le signal d'alarme et descend du train, dans la neige. Les parents de Julie et Noé, qui devaient la chercher à la gare, sont bloqués par la tempête. Un coup de fil de la police les prévient du drame. Car Tom, abandonné par ses copains qui ne lui pardonnent pas d'avoir laissé partir la fille, a tout avoué. Manou est à l'hôpital, et Tom est en enfer. Pour longtemps.

Christine Beigel signe ici un roman noir très noir, dont le titre lui-même donne déjà la couleur. La construction de l'histoire est remarquablement bien faite : le récit lui-même est entrecoupé de scènes tirées de l'interrogatoire de Tom, dans le désordre. Le lecteur sent donc ce qu'il va se passer, dans une angoisse haletante, au rythme de l'écriture saccadée de l'auteur. Le viol collectif est ici surtout abordé du point de vue des violeurs, et on en apprend finalement peu sur les souffrances de Manou. Ce qui rend le roman sans doute encore plus troublant.